• Le climat peut devenir source de conflits armés, estime Berlin

    23.10.07 | 14h01
    ar Erik Kirschbaum

     

    BERLIN (Reuters) - Le problème du changement climatique peut devenir une source de conflits armés dans un avenir pas si lointain et rend indispensable la recherche rapide de solutions politiques, estime le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier.

    "C'est une nouvelle 'guerre froide' au pôle Nord que nous devons prévenir", a-t-il dit lors d'une conférence à Berlin sur le changement climatique, évoquant les nouvelles revendications territoriales qui se font jour en Arctique. "Le changement climatique fait peser une menace sur la paix et la sécurité du monde", a-t-il ajouté.

    "Une politique contre le changement climatique, c'est aussi une politique pour la paix. Il faut en avoir conscience et rechercher des solutions car c'est tous ensemble que nous gagnerons ou que nous perdrons", a ajouté le chef de la diplomatie allemande.

    Il a rappelé que l'équipage d'un sous-marin russe avait planté en août dernier son drapeau national sur le fond marin près du pôle Nord, une zone riche en réserves énergétiques que le Danemark revendique également car proche de sa province du Groenland.

    "COURAGE POLITIQUE"

    "Non seulement la Russie mais aussi d'autres pays voisins ont des revendications sur les énergies fossiles de cette région", a souligné Steinmeier. "La glace fond sous nos yeux et cela rend possible désormais une exploitation de ces ressources", réveillant ainsi les égoïsmes nationaux, a-t-il rappelé.

    Le droit international reconnaît une zone économique de 320 kilomètres au nord des côtes aux cinq pays qui bordent la zone arctique - le Canada, la Russie, les Etats-Unis, la Norvège et le Danemark.

    Mais la Russie réclame une part plus large en soulignant que l'Arctique et la Sibérie sont reliés par la dorsale Lomonossov.

    "Nous devons nous assurer du respect des traités sur l'Arctique, aux termes du droit international", a souligné le ministre allemand des Affaires étrangères.

    Pour les experts des Nations unies, le réchauffement climatique, entraînant sécheresses, inondations, montée du niveau des mers et déplacements de populations, et frappant en premier lieu les pays pauvres d'Afrique et d'Asie, est une source potentielle de conflits.

    "Le changement climatique n'est pas un problème qui se posera dans un lointain avenir. Il se pose déjà de façon dramatique et le temps que nous avons pour réagir se réduit de plus en plus. Il nous faut faire preuve de courage et de créativité, tant dans le domaine technique que politique", a lancé le ministre allemand.

     

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  • Transcription d'un documentaire de la BBC:
    http://www.bbc.co.uk/sn/tvradio/programmes/horizon/dimming_trans.shtml

    Narrateur (Jack Fortune): Ceci est un un film qui exige une action. Il révèle que nous pourrions avoir grandement sous-estimé la vitesse à laquelle le climat change. En son cœur se situe un nouveau phénomène mortel que jusqu'à présent les scientifiques ont refusé à croire en son existence même. Mais il pourrait déjà avoir fait mourir de faim des millions de personnes. Tonight Horizon examine pour la première fois le pouvoir de ce que les scientifiques appellent l'affaiblissement global.

    12 septembre 2001, à la suite de la tragédie. Pendant que l'Amérique portait le deuil, la météo dans le pays fut inhabituellement excellente. Mille trois cent kilomètres à l'ouest de New York, à Madison dans le Wisconsin, un scientifique du climat appelé David Travis était sur le chemin de son travail.

    Docteur David Travis (université du Wisconsin, Whitewater): Aux environs du 12, dans la journée, je me rendais à mon travail et j'ai remarqué comment le ciel était bleu et clair. Au départ je n'y ai pas pensé, puis j'ai réalisé que le ciel était exceptionnellement clair.

    Narrateur: Pendant 15 ans Travis a effectué des recherches sur des sujets apparemment obscurs, si les traînées de vapeur générées par les avions avaient un effet significatif sur le climat. À la suite du 11 septembre, toute la flotte américaine a été clouée au sol, et Travis a eu l'occasion de le découvrir.

    Docteur David Travis: Vous savez ce fut certainement une des petites choses positives à émerger de ceci, une opportunité de faire des recherches qui espérons le ne se produira plus jamais.

    Narrateur: Travis suspectait que l'immobilisation (des avions) pourrait causer un petit mais détectable changement sur le climat. Mais ce qu'il a observé était à la fois immédiat et spectaculaire.

    Docteur David Travis: Nous avons trouvé que le changement de la gamme de température pendant ces 3 jours était de juste au-dessus de 1°C. Et vous devez réaliser que du point de vue d'un profane ça ne semble pas beaucoup, mais du point de vue climatologique c'est énorme.

    Narrateur: Un degré en seulement trois jours, personne n'avait jamais vu un tel changement climatique majeur se produire si rapidement. C'était un nouveau genre de changement de climat. Les scientifiques l'appellent l'affaiblissement global. Il y a deux ans la plupart d'entre eux n'en avaient jamais entendu parler, mais maintenant ils croient que cela peut signifier que toutes leurs prédictions sur le futur de notre climat pourraient être fausses. La piste qui conduisit à la découverte de l'affaiblissement global débuta il y a 40 ans, en Israël, avec les travaux d'un jeune immigrant britannique appelé Gerry Stanhill. Biologiste qualifié, Gerry obtint un poste pour aider à concevoir des systèmes d'irrigation. Son travail était de mesurer l'éclairement du soleil au-dessus d'Israël.

    Docteur Gerald Stanhill (Organisation de la Recherche sur l'Agriculture, Israël): C'était important pour ce travail de mesurer les radiations solaires, parce que c'est un facteur qui détermine fondamentalement combien d'eau nécessitent les cultures.

    Narrateur: Pendant un an Gerry a recueilli des données d'un réseau de capteurs de lumière; les résultats étaient comme attendu et furent utilisés pou aider à concevoir le système d'irrigation national. Mais 20 ans plus tard, dans les années 80, Gerry décida de répéter ses mesures pour vérifier si elles étaient toujours valides. Ce qu'il a trouvé l'a stupéfait.

    Docteur Gerald Stanhill: Et bien je fus étonné de trouver qu'il y avait une très sérieuse réduction de l'ensoleillement, sur la quantité de lumière solaire en Israël. En fait, si nous comparons les premières mesures des années 50 avec celles actuelles, il y a une réduction prodigieuse de 22% dans l'ensoleillement, et ça m'a vraiment surpris.

    Narrateur: Une réduction de 22% de l'énergie solaire était simplement énorme. Si c'était vrai sûrement les israéliens devraient geler. Il devait y avoir quelque chose d'erroné. Quand Gerry publia ses résultats ils furent donc ignorés.

    Docteur Gerald Stanhill: Je dois dire que les publications n'eurent presque aucun effet sur la communauté scientifique.

    Narrateur: Mais en fait Gerry n'était pas le seul scientifique qui avait noté la chute de l'éclairement solaire. En allemagne une jeune diplômée en climatologie appelée Beate Liepert trouva que la même chose semblait se produire aussi au-dessus des Alpes Bavaroises.

    Docteur Beate Liepert (Observatoire Terrestre Lamont-Doherty): J'étais dans le même état d'esprit, j'étais aussi sceptique que n'importe quel autre climatologue. Mais maintenant j'ai vu les mêmes résultats en Allemagne, alors je l'ai cru.

    Narrateur: Allemagne, Israël, qu'en est-il du reste du monde? En travaillant indépendamment l'un de l'autre, Liepert et Stanhill commencèrent à rechercher dans les publications, les journaux et les enregistrements météorologiques à travers le monde. Et ils trouvèrent tous les deux les mêmes histoires extraordinaires. Entre les années 50 et le début des années 90 le niveau d'énergie solaire atteignant la surface de la terre avait chuté de 9% en Antarctique, 10% aux États-Unis, 30% en Russie et 16% dans les îles britanniques. C'était vraiment un phénomène global, et Gerry lui a donné un nom adapté - l'affaiblissement global. Mais, encore, la réponse des autres scientifiques fut l'incrédulité totale.

    Docteur Gerald Stanhill: La communauté scientifique n'était évidemment pas prête à affronter le fait qu'il y avait un phénomène d'affaiblissement global.

    Narrateur: Bien sur, il y avait une bonne raison pour être sceptique. Moins d'énergie du soleil devrait rendre le monde plus froid. Cependant les scientifiques savaient que la terre se réchauffait. Comme le dioxyde de carbone et autres gaz à effet de serre que nous émettons emprisonnent encore plus de chaleur dans l'atmosphère terrestre et causent le réchauffement global.

    Docteur Beate Liepert: En fait la réaction de mes amis au travail de Gerry et au mien en même temps fut, oh mon dieu, c'est vraiment extrême, vous contredisez le réchauffement global. Savez vous combien de milliards de dollars ont été dépensés pour la recherche sur le réchauffement global et vous et ce vieux type nous contredisez.

    Narrateur: Donc les travaux de Liepert et Stanhill furent largement écartés. Mais l'affaiblissement global n'était pas le seul phénomène qui ne semblait pas concorder avec le réchauffement global. En Australie deux autres biologistes, Michael Roderick et Graham Farquhar furent intrigués par un autre résultat paradoxal - le déclin dans le monde entier de quelque chose nommé le taux d'évaporation de la casserole.

    Professeur Graham Farquhar (Université Nationale d'Australie): C'est appelé le taux d'évaporation de la casserole parce que c'est le taux d'évaporation dans une casserole. Chaque jour à travers le monde des gens sortent le matin et regardent combien d'eau ils doivent ajouter dans une casserole pour atteindre le niveau auquel elle était au même moment le matin précédent. C'est aussi simple.

    Narrateur: À certains endroits, des scientifiques agricoles ont effectué cette tâche plutôt ennuyeuse pendant plus de 100 ans.

    Professeur Graham Farquhar: Les mesures à long terme de l'évaporation de la casserole sont ce qui leur donnent leurs vraies valeurs.

    Docteur Michael Roderick (Université Nationale d'Australie): Et le fait qu'ils font la même chose jour après jour avec le même instrument.

    Professeur Graham Farquhar: Oui, ils méritent une médaille. Chacun d'entre eux.

    Docteur Michael Roderick: Oui.

    Narrateur: Pendant des décennies personne n'a prêté attention aux mesures du taux d'évaporation de la casserole. Mais dans les années 90 les scientifiques ont vu quelque chose de très étrange, le taux d'évaporation chutait.

    Professeur Graham Farquhar: Il y a quelque chose de paradoxal ici sur le fait que le taux d'évaporation de la casserole diminue, un paradoxe apparent, alors que la température augmente.

    Narrateur: C'était un mystère. La plupart des scientifiques pensaient que, comme une casserole sur un réchaud, augmenter la température globale devrait augmenter le taux à laquelle l'eau s'évapore. Mais Roderick et Farquhar firent quelques calculs et trouvèrent que la température n'était pas le facteur le plus important dans l'évaporation dans la casserole.

    Docteur Michael Roderick: En fait il s'avère que les facteurs clés pour l'évaporation dans la casserole sont le rayonnement solaire, l'humidité et le vent. Mais le rayonnement solaire est vraiment le facteur dominant.

    Narrateur: Ils découvrirent que c'était l'énergie des photons frappant la surface, la lumière solaire, qui éjectent les molécules de la casserole dans l'atmosphère. Ils sont donc arrivés à une conclusion extraordinaire.

    Docteur Michael Roderick: Vous savez, si le taux diminue, peut être est ce l'ensoleillement qui diminue.

    Narrateur: Est ce que la chute de l'évaporation était en fait la preuve de l'affaiblissement global? Ils sentaient que quelque part dans les journaux devaient se trouver les chiffres bruts qui pourraient lier les deux choses ensemble.

    Docteur Michael Roderick: Et puis un jour, juste par accident, je devais aller à la bibliothèque chercher un article dans Nature. Je n'arrivais pas à le trouver. J'ai juste jeté un oeil dans le journal et il y avait un article intitulé l'évaporation perd de sa force qui rapportait un déclin dans le taux d'évaporation de la casserole en Russie, aux États-Unis et en Europe de l'est. Et la, dans les mesures, ils disaient que l'eau dans les casseroles s'était évaporée en moyenne 100 mm de moins que pendant les 30 dernières années.

    Narrateur: Mike savait combien de lumière solaire était nécessaire pour évaporer 1 mm d'eau. Il assembla alors les deux données de chiffres ensemble - la chute de l'évaporation avec la chute de l'ensoleillement.

    Docteur Michael Roderick: Alors vous faites juste l'addition dans votre tête. 100 mm d'eau en moins d'évaporé, 2.5 mégajoules, donc 2.5 fois 100 égal 250 mégajoules. Et c'est en fait ce que les russes ont mesuré avec le déclin de l'ensoleillement pendant les 30 dernières années. C'était plutôt surprenant.

    Narrateur: C'était la même chose pour l'Europe et les États-Unis. La chute de l'évaporation concordait exactement avec la chute de l'ensoleillement rapportée par Beate Liepert et Gerry Stanhill. Deux ensembles d'observations complètement indépendants donnaient la même conclusion. Bien que ça sembla incroyable, il n'y avait plus de doute sur l'affaiblissement global.

    Docteur Beate Liepert: Soudainement nous voyons, oh mon dieu le monde s'assombrit, puis vous soudainement vous voyez, oh mon dieu ça a un énorme impact.

    Professeur Graham Farquhar: Il devait y avoir un affaiblissement en Europe et en Russie, et ce à l'échelle globale. Et nous avons pensé que c'était très important parce que l'affaiblissement était énorme. C'est donc grand à l'échelle globale.

    Narrateur: Mais quelle en était la cause? Les scientifiques savaient qu'il n'y avait pas de problème avec le soleil lui-même. Le coupable devait être sur la terre. Et comme ils recherchaient des indices, ils firent une autre découverte saisissante.
    Les Maldives: une nation composée d'un millier d'îles minuscules au milieu de l'océan indien, récemment ravagée par le tsunami. Ce fut la que Veerabhadran Ramanathan, un des plus grands experts mondiaux sur le climat commença à démêler le mystère de la cause de l'affaiblissement global. Il avait tout d'abord remarqué le déclin de l'ensoleillement sur de larges étendues de l'océan pacifique au milieu des années 90.

    Professeur Veerabhadran Ramanathan: (Université de Californie): Mais nous ne savions pas à ce moment que c'était une partie d'une plus large situation globale, mais je savais que nous devions découvrir quelle en était la cause.

    Narrateur: Ramanathan était certain d'une chose, la forte chute dans l'ensoleillement atteignant le sol devait avoir quelque chose à voir avec l'atmosphère de la terre. Il n'y avait rien d'apparemment suspect.

    Professeur Veerabhadran Ramanathan: Presque tout ce que nous faisons pour créer de l'énergie cause de la pollution.

    Narrateur: Brûler de l'essence ne produit pas seulement les gaz à effet de serre invisibles qui causent le réchauffement global. Cela produit aussi de la pollution visible, de minuscules particules de suie et autres polluants portés par le vent. Elles produisent la brume qui enveloppe nos villes. Donc Ramanathan s'est demandé: est ce que cette pollution pourrait causer l'affaiblissement global? Les Maldives étaient l'endroit parfait pour le découvrir. Les Maldives semblent non polluées, mais en fait les îles du nord se situent dans un courant d'air salle descendant de l'Inde. Seulement l'extrémité sud de la chaîne d'îles bénéficie d'air propre venant tout droit de l'Antarctique. Donc en comparant les îles du nord avec celles du sud, Ramanathan et ses collègues devaient être capables de voir exactement quelle différence la pollution apportait sur l'atmosphère et l'ensoleillement. Le Projet Indoex, comme il fut appelé, était un énorme effort international. Pendant 4 ans toutes les techniques possibles ont été utilisées pour échantillonner et surveiller l'atmosphère au-dessus des Maldives. Indoex coûta 25 millions de dollars mais il produisit des résultats, et ils surprirent tout le monde.

    Professeur Veerabhadran Ramanathan: La partie sensationnelle de l'expérience était que la couche de polluants qui fait 3 km d'épaisseur, réduisait la lumière solaire atteignant l'océan de plus de 10%.

    Narrateur: Une chute de 10% de l'ensoleillement signifiait que la pollution par les particules avait un effet bien plus grand que ce que tout le monde avait cru possible.

    Professeur Veerabhadran Ramanathan: Nos modèles nous avaient amenés à croire que l'impact humain sur l'affaiblissement était proche de 0.5 à 1%. Ce que nous avons découvert est donc 10 fois supérieur.

    Narrateur: Indoex montra que les particules de pollution bloquaient elles-mêmes la lumière solaire; mais ce qu'elles faisaient aux nuages était beaucoup plus significatif. Elles les transformaient en miroirs géants. Les nuages sont faits de gouttelettes d'eau. Ils se forment seulement quand la vapeur d'eau dans l'atmosphère commence à se condenser à la surface de particules présentes naturellement, typiquement du pollen ou du sel marin. Quand elles grandissent, les gouttelettes d'eau deviennent finalement si lourdes qu'elles tombent en pluie. Mais Ramanathan trouva que l'air pollué contenait beaucoup plus de particules que l'air non pollué, particules de cendres, de suie et de dioxyde de souffre.

    Professeur Veerabhadran Ramanathan: Nous avons vu 10 fois plus de particules dans la masse d'air polluée au nord des Maldives par comparaison à ce que nous avons vu au sud, qui était de l'air immaculé.

    Narrateur: Dans l'air pollué, des milliards de particules générées par l'homme fournissent 10 fois plus de sites autour desquels les gouttelettes d'eau peuvent se former. Les nuages pollués contiennent donc beaucoup plus de gouttelettes d'eau, chacune beaucoup plus petite qu'elle serait naturellement. Beaucoup de petites gouttelettes reflètent plus de lumière que peu de grosses. Les nuages pollués reflètent donc plus de lumière dans l'espace, empêchant la chaleur du soleil de passer au travers. C'était la cause de l'affaiblissement global.

    Professeur Veerabhadran Ramanathan: Fondamentalement, l'affaiblissement global que nous avons observé dans le nord de l'océan indien était le résultat d'un côté des particules elles-mêmes faisant bouclier à la lumière solaire, et d'un autre côté des nuages rendus plus réfléchissants. Donc cette soupe insidieuse, consistant en de la suie, des sulphates, des nitrates, de la cendre et autres, avait un effet double sur l'affaiblissement global.

    Narrateur: Et quand il a regardé les images satellite, Ramanathan a trouvé que la même chose se passait dans le monde entier. Au-dessus de l'Inde, de la Chine, et s'étendant dans le pacifique. Au-dessus de l'Europe de l'ouest, s'étendant vers l'Afrique. Au-dessus des îles britanniques. Mais c'est quand les scientifiques ont commencé à enquêter sur les effets de l'affaiblissement global qu'ils ont fait la découverte la plus inquiétante d'entre toutes. Ces nuages plus réfléchissants pouvaient altérer le comportement de la pluviomètrie mondiale. Avec de tragiques conséquences.

    Narrateur: La famine éthiopienne de 1984 a choqué le monde. Elle fut en partie causée par une sécheresse ayant duré une décennie à travers le Sahara africain - une région connue comme le Sahel. Année après année les pluies d'été ont manqué. À ce moment les scientifiques ont blâmé les pratiques agricoles et la mauvaise gestion des terres. Mais il y a maintenant des preuves que le vrai coupable est l'affaiblissement global. La force vitale du Sahel a toujours été la mousson saisonnière. Pendant la plupart de l'année il est complètement sec. Mais chaque été, la chaleur du soleil réchauffe les océans au nord de l'équateur. Ceci aspire la ceinture pluvieuse qui se forme au-dessus de l'équateur vers le nord, amenant la pluie sur le Sahel. Mais pendant 20 ans dans les années 70 et 80 la ceinture pluvieuse tropicale a constamment échoué à se décaler vers le nord - et la mousson africaine a disparu. Pour les scientifiques du climat comme Leon Rotstayn, la disparition des pluies a longtemps été une énigme. Il pouvait voir que la pollution de l'Europe et de l'Amérique du nord se déplaçait à travers l'Atlantique, mais tous les modèles climatologiques suggéraient qu'elle ne devrait avoir que peu d'effet sur la mousson. Mais Rotstayn décida alors de découvrir ce qui arriverait s'il prenait en compte les données des Maldives.

    Docteur Leon Rotstayn (Recherche atmosphérique Csiro): ce que nous avons trouvé dans notre modèle était que quand nous avons permis à la pollution de l'Europe et de l'Amérique du nord d'affecter les propriétés des nuages de l'hémisphère nord, les nuages ont reflété plus de lumière solaire dans l'espace et ceci a refroidit les océans de l'hémisphère nord. Et à notre surprise le résultat fut que les bandes de pluie tropicales se sont déplacées vers le sud, s'écartant de l'hémisphère nord plus pollué vers l'hémisphère sud.

    Narrateur: Les nuages pollués ont empêché la chaleur du soleil de passer au travers. Cette chaleur était nécessaire pour entraîner les pluies tropicales vers le nord. La ceinture pluvieuse vitale n'a donc jamais atteint le Sahel.

    Docteur Leon Rotstayn: Donc ce que notre modèle suggère est que ces sécheresses au Sahel dans les années 70 et 80 peuvent avoir été causées par la pollution de l'Europe et de l'Amérique du Nord, affectant les propriétés des nuages et refroidissant les océans de l'hémisphère nord.

    Narrateur: Rotstayn a trouvé un lien direct entre l'affaiblissement global et la sécheresse au Sahel. Si son modèle est correct, ce qui sort de nos pots d'échappement et de nos centrales électriques a contribué à la mort d'un million de personnes en Afrique, et en a touché 50 millions de plus. Mais ce pourrait n'être qu'un avant goût de ce que l'affaiblissement global a en réserve.

    Professeur Veerabhadran Ramanathan: Le Sahel est juste un exemple du système de la mousson. Laissez moi vous emporter vers un autre endroit du monde. L'Asie, où la même mousson apporte la pluie à 3.6 milliards de personnes, environ la moitié de la population mondiale. Ma principale inquiétude est que cette pollution de l'air et l'affaiblissement global auront aussi un impact nuisible sur la mousson asiatique. Nous ne parlons pas de quelques millions de personnes, nous parlons de quelques milliards.

    Narrateur: Pour Ramanathan les implications sont claires.

    Professeur Veerabhadran Ramanathan: Il n'y a pas de choix ici, nous devons réduire la pollution de l'air, voire l'éliminer entièrement.

    Narrateur: Heureusement, s'attaquer à la pollution de l'air ne devrait pas être trop difficile. Ça ne voudrait pas dire abandonner complètement le pétrole et le charbon. Nous aurions juste à les brûler plus proprement. Et en Europe nous avons déjà commencé: des épurateurs dans les centrales électriques, des pots catalytiques pour les voitures et de l'essence à faible taux de souffre, bien qu'ils ne fassent rien pour réduire les gaz à effet de serre, ont déjà commencé à réduire la pollution visible de l'air. Ce devrait être de bonnes nouvelles pour le Sahel, et dans les dernières années les sécheresses n'ont pas été si mauvaises. Mais il y a un piège terrible. Parce que pendant que l'affaiblissement global est lui-même un danger majeur pour l'humanité, il semble maintenant qu'il nous a protégé d'une encore plus grande menace. Ce qui veut dire que si nous réduisons l'assombrissement, nous pourrions faire face à quelque chose d'encore pire.
    Ce fut David Travis qui se rendit compte le premier de ce que serait le monde sans l'affaiblissement global. Ça s'est passé dans ces jours chaotiques qui ont suivit la tragédie du 11 septembre. Pendant 15 ans Travis a étudié les traînées de vapeur, les contrails, laissés derrière les avions volant à haute altitude. Bien que chaque contrail individuel semble petit, quand ils s'étendent ils peuvent couvrir le ciel.

    Docteur David Travis: Voilà quelques exemples de ce que nous appelons une frénésie de contrails. Ce sont de larges groupes de contrails. Et en voici un particulièrement bien de la Californie du sud. Voilà la côte ouest des États-Unis. Et vous pouvez voir ici ce réseau entrelacé de contrails couvrant au moins 50%, voire 75% du ciel dans cette région. Il n'y a pas besoin d'être un expert pour réaliser que si vous regardez cette image satellite et voyez ce genre de couverture de contrails, ils doivent avoir un effet sur la température à la surface.

    Narrateur: Mais le problème auquel Travis a été confronté fut d'établir exactement de quelle taille était l'effet des contrails. La seule façon de le faire était de trouver une période quand, bien que les conditions pour que les contrails se forment soient bonnes, il n'y avait pas de vols. Et bien sur ceci n'est jamais arrivé. Jusqu'au 11 septembre 2001. Là, pendant 3 jours après le 11, tous les avions commerciaux des États-Unis ont été cloués au sol. Ce fut une occasion que Travis ne pouvait pas ce permettre de manquer. Il s'est mis à rassembler les enregistrements de température à travers tout les États-Unis.

    Docteur David Travis: Initialement les données de plus de 5000 stations météorologiques à travers 48 états, les zones qui étaient le plus affectées par l'immobilisation (des avions).

    Narrateur: Travis ne cherchait pas juste des températures - qui varient beaucoup de toute façon d'un jour à l'autre. Au lieu de cela il s'est concentré sur quelque chose qui normalement ne change que très lentement: l'échelle de température. La différence entre la température la plus haute pendant la journée et celle la plus basse durant la nuit. Est ce que ça avait changé pendant les 3 jours de l'immobilisation (des avions)?

    Docteur David Travis: Comme nous commencions à regarder les données climatiques et que les preuves commençaient à s'accumuler je devins de plus en plus excité. Les résultats étaient plus grands que ce à quoi je m'attendais. Donc nous voyons ici pour les 3 jours précédant le 11 septembre une valeur légèrement négative de la gamme de température avec beaucoup de contrails comme habituellement. Puis nous avons ce pic soudain juste ici dans cette période de 3 jours. Ceci reflète l'absence de nuages, l'absence de contrails, des jours plus chauds et des nuits plus froides, exactement ce à quoi nous nous attendions mais encore plus grand. Donc ce que ceci indique est que pendant ces 3 jours nous avions une chute soudaine de l'affaiblissement global apporté par les avions.

    Narrateur: Durant l'immobilisation (des avions) la gamme de température a bondi de plus de 1°C. Travis n'avait jamais vu quelque chose comme ça avant.

    Docteur David Travis: C'était la plus grande fluctuation de température de cette magnitude des 30 dernières années.

    Narrateur: Si autant de choses peuvent se passer pendant un laps de temps aussi court, en enlevant juste une forme de pollution, alors ça suggère que l'effet total de l'affaiblissement global sur les températures mondiales pourrait être énorme.

    Docteur David Travis: L'étude du 11 septembre a montré que si vous enlever un des contributeurs de l'affaiblissement global, les contrails, pendant seulement une période de 3 jours, nous voyons une réponse immédiate de la surface à la température. Faites la même chose globalement et nous pourrions voir une augmentation du réchauffement global à grande échelle.

    Narrateur: Ceci est le vrai aiguillon dans la queue. Résolvez le problème de l'affaiblissement global et le monde pourrait être considérablement plus chaud. Et ce n'est pas seulement une théorie, c'est peut être en train de se passer maintenant. En Europe de l'ouest les mesures que nous avons prises pour réduire la pollution de l'air ont commencé à porter leurs fruits dans l'amélioration notable de la qualité de l'air et même avec une légère réduction de l'affaiblissement global ces dernières années. Pendant ce temps, après des décennies pendant lesquelles elles sont restées constantes, les température d'Europe ont commencé rapidement à augmenter, culminant dans l'été meurtrier de 2003.
    Les feux de forêts ont dévasté le Portugal. Les glaciers ont fondu dans les Alpes. Et en France les gens sont morts par milliers. Est ce que ça pourrait être la punition pour la réduction de l'affaiblissement global sans s'attaquer aux causes principales du réchauffement global?

    Docteur Beate Liepert: Nous pensions que nous vivions dans un monde se réchauffant, mais ce n'est en fait pas exact. Nous vivions dans un monde de réchauffement global plus un monde d'affaiblissement global, et nous supprimons maintenant l'affaiblissement global. Nous nous retrouvons donc avec un monde de réchauffement global, qui sera bien pire que ce nous pensions, beaucoup plus chaud.

    Narrateur: C'est l'essentiel du problème. Alors que l'effet des gaz à effet de serre a réchauffé la planète, il semble maintenant que l'affaiblissement global la refroidissait. Donc le réchauffement causé par le dioxyde de carbone nous était caché par le refroidissement causé par la pollution de l'air. Mais cette situation est maintenant en train de changer.

    Docteur Peter Cox (Centre Hadley, Bureau Met): Nous allons nous trouver dans une situation où, à moins que nous agissions où les polluants responsables du refroidissement diminuent pendant que ceux responsables du réchauffement augmentent, le CO2 va augmenter et les particules diminuer et ceci signifie que nous aurons un réchauffement accéléré. Nous allons avoir un effet double, une réduction du refroidissement et une augmentation du réchauffement en même temps et c'est un problème pour nous.

    Narrateur: Et ce n'est pas tout. Les climatologues comme Peter Cox ont commencé à s'inquiéter du fait que l'affaiblissement global les ont amenés à sous-estimer la pouvoir réel du réchauffement global. Ils craignent que la terre puisse être beaucoup plus vulnérable aux gaz à effet de serre que ce qu'ils pensaient.

    Docteur Peter Cox: Nous avons vraiment deux effets en compétition, nous avons l'effet des gaz à effet de serre, qui tend à réchauffer le climat, mais maintenant nous avons cet autre effet qui est beaucoup plus fort que nous le pensions, qui est un effet de refroidissement qui vient des particules dans l'atmosphère. Et ils rivalisent l'un avec l'autre. Nous savons que le climat a changé pour un état plus chaud d'environ 0.6°C durant les 100 dernières années. L'ensemble a bougé de cette façon. S'il apparaît que le refroidissement est plus puissant que nous le pensions alors le réchauffement est aussi beaucoup plus fort que nous le pensions, ça signifie que le climat est plus sensible au dioxyde de carbone que nous le croyions à l'origine, et ça signifie que nos modèles peuvent être sous-évalués en ce qui concerne l'effet du dioxyde de carbone.

    Narrateur: Les modèles que tout le monde a utilisé pour prévoir le changement de climat prédisent un réchauffement maximal de 5° à la fin du siècle. Mais Cox et ses collègues craignent maintenant que ces modèles puissent être faux. Les températures pourraient augmenter deux fois plus vite que ce qu'ils pensaient précédemment entraînant des dommages irréversibles dans seulement 25 ans.

    Docteur Peter Cox: Si nous ne faisons rien, dans les années 20-30 nous pourrions avoir un réchauffement global excédant 2°, et à ce moment on pense que la calotte glaciaire du Groenland commencera à fondre de telle façon que nous serons incapables de l'arrêter, elle fondra. Cela prendra du temps mais finalement ça amènera une augmentation du niveau de la mer de 7 ou 8 mètres.

    Narrateur: Une fois que la calotte glaciaire du Groenland commencera à fondre, rien ne l'arrêtera. Beaucoup de grandes villes vivront en sursis. Décennie après décennie, le risque d'inondation catastrophique augmentera inexorablement. Mais à moins que des actions soient entreprises, ça ne s'arrêtera pas là. Parce qu'après le Groenland, la forêt tropicale commencera à se flétrir à cause de la chaleur.

    Docteur Peter Cox: 2040 - il pourrait faire 4° de plus, le changement de climat pourrait avoir apporté de grosses sécheresses, particulièrement dans le bassin de l'Amazone, ça pourrait rendre la forêt non viable, nous pouvons nous attendre à ce que la forêt prennent probablement feu, se transforme en savane ou même finalement en désert s'il fait vraiment très très sec comme notre modèle le suggère.

    Narrateur: Et comme la forêt tropicale partirai en fumée, cela relâcherai de grandes quantités de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, augmentant encore le réchauffement global. Cox a calculé qu'en seulement un siècle, le monde pourrait être 10° plus chaud, un réchauffement plus rapide que dans toute l'histoire de la terre. Si ça devait arriver, le paysage de l'Angleterre serait complètement transformé.

    Docteur Peter Cox: Nous parlons d'un changement d'un climat luxuriant, humide, comme celui ci, vers un climat nord africain en seulement quelques décennies ou un siècle.

    Narrateur: La plupart des espèces végétales britanniques ne pourraient pas survivre à un climat nord africain. Avec la végétation dépérissant partout, l'érosion du sol deviendrait un problème grave. D'une terre verte et agréable, l'Angleterre deviendrait un pays d'extrêmes, avec des inondations hivernales laissant la place à des tempêtes de poussière en été. Et ce sera bien pire ailleurs.

    Docteur Peter Cox: Vous pouvez imaginer que 10° d'augmentation des températures au Royaume Uni est catastrophique. Une augmentation de 10° dans un pays déjà chaud le rend essentiellement inhabitable.

    Narrateur: Et juste quand on pourrait penser que les choses ne pourraient pas être pire dans le grand nord, une augmentation de 10° pourrait être suffisante pour libérer une vaste réserve naturelle de gaz à effet de serre plus grande que toutes les réserves de pétrole et de charbon de la planète.

    Docteur Peter Cox: Nous serons en danger de déstabiliser ces choses appelées hydrates de méthane qui stockent beaucoup de méthane dans le fond de l'océan dans un genre d'état gelé, 10000 milliards de tonnes de ce truc, et ils est connu pour être déstabilisé par le réchauffement.

    Narrateur: À ce point, quoi que nous ayons fait pour réduire nos émissions, il sera trop tard. 10000 milliards de tonnes de méthane, un gaz à effet de serre huit fois plus puissant que le dioxyde de carbone, seraient relâchés dans l'atmosphère. Le climat de la terre deviendrait hors de contrôle, entraînant des températures inconnues depuis 4 milliards d'années. Mais ceci n'est pas une prédiction - c'est un avertissement. C'est ce qui arrivera si nous nettoyons la pollution tout en ne faisant rien à propos des gaz à effet de serre. Cependant, la solution facile - continuer à polluer et espérer que l'affaiblissement global nous protégera - serait suicidaire.

    Docteur Peter Cox: Si nous continuions à déverser les particules ça aurait un effet terrible sur la santé humaine, les particules sont impliquées dans toutes sortes de maladies respiratoires, c'est pourquoi elles sont maintenant contrôlées, et bien sur elles affectent le climat de toute façon. Si vous magouillez avec l'équilibre de la planète, l'équilibre radiatif de la planète, vous affectez toutes sortes de comportements comme celui des moussons, ce qui aurait des effets terribles sur la population. Il serait donc extrêmement difficile, en fait impossible, d'annuler les effets des gaz à effet de serre seulement en continuant à déverser des particules, même si ce n'était que pour le fait que les particules sont dommageables pour la santé humaine.

    Narrateur: Au lieu de ça nous devons entreprendre des actions urgentes pour s'attaquer aux causes originelles à la fois du réchauffement global et de l'affaiblissement global - le brûlage du charbon, du pétrole et du gaz. Nos devons faire des choix difficiles, comment nous vivons et comment nous produisons notre électricité. Nous avons parlé de ça pendant 20 ans. Mais jusqu'à présent très peu de choses ont été faites pratiquement. La découverte de l'affaiblissement global montre clairement que nous avons peu de temps.

    Docteur Peter Cox: Une des forces réelles qui nous pousse dans cette direction est que nous laissons un environnement qui est confortable pour nos enfants. Et nous continuons comme si de rien n'était, nous n'allons pas faire ça, nous allons laisser un environnement qui est largement pire que celui dans lequel nous vivions; et ce sera à cause de ce que nous avons fait quand nous utilisions cet environnement, et ce serait réellement tragique si ça arrivait.


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